Le changement, c’est pour quand ?

26 Avr,12 | Environnement, Société

L’année 2011 aura été  particulièrement riche en événements, mais pas toujours très réjouissants. Je veux parler des tensions auxquelles nous assistons de plus en plus. Le monde d’aujourd’hui est un monde en crise. Un monde fait de toutes sortes de crises : à la fois aux niveaux social, financier, économique, idéologique, identitaire…

Les contestations naissantes trouvent leur cause dans de nombreuses et diverses raisons mais il en est une en particulier : la société, le modèle dans lequel nous vivons démontre aujourd’hui ses limites. La question que l’on est alors en droit de se poser est la suivante : en quoi le contexte actuel montre qu’un autre modèle plus durable semble aujourd’hui nécessaire ?

Il ressort le sentiment d’être à un tournant de l’histoire, une période dans laquelle les injustices ne sont plus supportables pour les populations. Une sorte de révolution pacifique est en train de naître dans l’optique de mettre fin à ces inégalités et déséquilibres.

L’affaire du siècle

Depuis le début de ce XXIème siècle en particulier, l’intérêt général est négligé, le monde est devenu une course à l’argent et se livre une concurrence féroce. L’essai Indignez-vous![1] du diplomate et écrivain français Stéphane Hessel, paru en 2010, nous met en garde contre les abus et les effets néfastes de la société en place, et critique la perte des acquis de la Résistance après la Seconde Guerre Mondiale (la sécurité sociale et un système de retraite pour tous, la nationalisation des grandes banques…). Tous ces acquis ont été comme oubliés, mis à l’écart, méprisés au détriment des individus et plus largement des sociétés qui en subissent les conséquences sur toute la planète. Les sociétés sont comme « punies » par et pour les conséquences de leurs actes.

Toutes les leçons de morales des grands auteurs pourraient aujourd’hui s’appliquer à notre modèle et aux dommages que nous subissons. Encore une fois, et comme dans beaucoup de situations, ce contexte va d’une façon ou d’une autre nous faire avancer. C’est déjà le cas. Nous commettons une erreur, agissons sans réfléchir profondément aux impacts et aux moyens mis en œuvre; et bien il est temps d’en tirer une morale. Et j’espère que la leçon que l’on en tirera correspondra à la mise en œuvre de principes plus responsables et plus réfléchis sur nos modes de vie et notre vision de la société, prônés par le développement durable.

Ces erreurs nous apprennent à tirer des leçons, elles sont comme une ‘épreuve’ permettant aux êtres d’améliorer leurs conditions de vie et d’avancer. Souvent, il faut malheureusement passer par des étapes douloureuses pour évoluer. En effet, les paradigmes dans lesquels nous sommes enfermés nous empêchent de voir les choses et ce qu’elles peuvent advenir. La force des événements actuels fait que nous nous sentons obligés et forcés de passer à l’action pour continuer.

Les limites de la finance

Un des freins qui nous bloque est la dominance de l’argent. On a l’impression que la chose qui importe le plus est de nature financière. Cette hégémonie de l’argent ainsi que cette recherche de l’intérêt personnel engendre plus d’individualisme et d’égoïsme. Tout devient plus impersonnel. Il en résulte entre autres moins de créativité et de tolérance. Un exemple simple : les serveurs vocaux des entreprises de téléphonie, d’électricité ou autres services. Lorsque l’on appelle ces firmes pour un conseil ou une requête quelconque, il est quasiment impossible de parler à une « vraie » personne au bout du fil. Les raisons invoquées sont soit disant pour des gains d’argent, moins de salaires et de frais à payer pour l’entreprise, donc moins de personnes à embaucher, donc plus de profit pour l’entreprise et par conséquent moins d’emplois créés et plus de chômage. Les délocalisations sont également lourdes de conséquences : la perte des emplois et des entreprises locales. Aujourd’hui tout est fabriqué en Chine, toujours par soucis de réduction des coûts.  On utilise également des matériaux nocifs, chimiques, peu importe la qualité, peu importe les répercussions sur la santé humaine et l’environnement puisque ça ne coûte pas cher, puisque c’est rentable.  Aussi, tout est jetable, il est plus cher de réparer que de changer. Pour un développement durable, il est plus intelligent de louer et entretenir plutôt que de produire et vendre (Institut de Recherche et d’Education pour les Coopératives et les mutuelles de l’Université de Sherbrooke).

A cela s’ajoutent les abus des grands groupes financiers qui, par les spéculations ont engendré des dettes colossales. Ces dettes sont elles-mêmes responsables du chômage, du manque de financement des institutions citoyennes (éducation, santé, retraite, assurances..). Pourtant ces sociétés parviennent toujours à être rentables (ou au contraire font faillites pour certaines). Ce système a montré ses limites. Il a été prospère pendant plusieurs décennies, a permis de nombreux progrès mais il est aussi responsable de nombreuses disparités et inégalités de toute sortes. Il est peut être temps aujourd’hui de passer à un autre modèle et de sortir du paradigme existant. De même, comment expliquer que les débouchés professionnels les plus « prospères » soient dans le domaine financier ?  Les financiers sont souvent les personnes qui gagnent le mieux leur vie ou n’ont pas de mal pour trouver un travail. L’argent va à l’argent. Peut être qu’un jour les personnes les mieux récompensées seront celles qui œuvrent pour des causes plus « nobles » et altruistes, au service des personnes, de l’environnement, de l’art, de la créativité, etc.…

Un choix cornélien ?

L’homme a toujours été confronté à des choix. Aujourd’hui, il semble que le choix soit particulièrement difficile dans la mesure où le système actuel ne permet plus de satisfaire nos besoins ni nos aspirations correctement. Le développement durable pourrait être une solution efficace afin d’avancer et d’évoluer de manière plus raisonnée aussi bien dans la gestion des hommes, des organisations que des ressources.

Beaucoup de questions me viennent à l’esprit quant à cet éventuel changement : pourquoi les changements auxquels nous aspirons sont-ils si lents à émerger ? Qu’est-ce qui nous empêche de nous engager, d’avancer et de sortir de cet état « stationnaire » ?

L’exemple d’Occupy Wall Street

A travers le mouvement Occupy Wall Street qui a débuté il y a environ un mois à New York, les individus expriment leur colère et leur désarroi, ils aspirent à un monde plus positif, plus orienté vers l’humain et rejettent ce système où règne la loi du plus fort, la « dictature » du «marche ou crève ». Le 15 octobre dernier, près de mille villes dans 80 pays se sont mobilisées pour faire entendre leurs revendications. Pour l’instant, ces revendications sont pacifiques et tant mieux, mais s’il on tarde trop à agir, les conséquences sur notre économie, sur l’environnement et sur les populations seront irréversibles. Cette conjoncture est quelque peu angoissante mais l’espoir que représentent les solutions d’un développement durable fait que nous pouvons continuer à avancer et à œuvrer pour un modèle plus équitable.

Marine Bulet.


[1] Indignez-vous !, Montpellier : Indigène éditions, collection « Ceux qui marchent contre le vent », 2010, 32 p.
– Site web: http://www.millebabords.org/IMG/pdf/INDIGNEZ_VOUS.pdf