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23 Fév,12 | Environnement

Déchets waste recyclage économie circulaire réduire réutiliser

Alors que l’on ne prête jamais attention aux ordures, bien que le tri sélectif nous pousse de plus en plus à nous concentrer sur nos faits et gestes en matière de déchets, ces ordures – en apparence anodines – que nous jetons quotidiennement recèlent en réalité des propriétés malheureusement insoupçonnées. Chaque déchet, une fois jeté, est par définition perdu et son intérêt devient vain. Pourtant, s’il était réutilisé, il pourrait constituer de nouvelles ressources et générer de la production. Il passerait ainsi de l’état d’obsolète à  utile. Le rôle du déchet serait alors inversé.

Le nombre de déchets que nous générons est considérable, entraîné notamment par cette frénésie de consommation qui caractérise nos sociétés : «chaque année, l‘humanité génère plus de 12 milliards de tonnes de résidus dont la plupart sont enfouis, incinérés ou dispersés dans l’environnement »[1]. Le fait de recycler un déchet pourrait constituer une ressource importante non négligeable et un enjeu extrêmement pertinent pour l’avenir de la planète.

 

L’enjeu : la maîtrise des ressources

Pour relever le défi énergétique et écologique, les organisations doivent travailler pour une optimisation de la production de biens/services tout en veillant à réduire leurs émissions de CO2. Cela repose sur une maîtrise des flux énergétiques, non pas seulement en aval mais surtout en amont afin d’anticiper les pollutions causées par les rejets à la sortie.

Dans cette démarche, l’entreprise n’aspire plus seulement à produire un bien ou un service et à réaliser des profits. Elle s’efforce de maximiser l’emploi des matières résiduelles, puise donc moins dans les ressources et créé de la valeur à partir de déchets. Plus généralement, elle considère les enjeux environnementaux et sociaux et prend en compte ses responsabilités. La perspective du développement durable doit modifier les habitudes et le management de l’entreprise. De nouvelles règles de fonctionnement s’imposent donc aux organisations.

La firme américaine Waste Management, qui prône le « Waste as a resource », illustre bien ces propos. A Drummondville au Québec, WM a entamé des travaux pour construire une centrale de production électrique à partir de biogaz extraits de matières résiduelles[2]. Cette revalorisation des déchets incarne une réelle opportunité aussi bien économique qu’environnementale pour les entreprises, puisque moins de frais sont à engager dans le recyclage, l’assainissement, et également moins de gaspillage. Ainsi, cela représente une alternative aux traditionnels moyens de gestion de pollution (recyclage, traitement des eaux…qui traitent les déchets en bout de chaînes (end of pipe[3])).

Des principes repensés

C’est ce que propose le concept d’écologie industrielle, introduit en 1989 aux Etats-Unis par les ingénieurs de General Motors, Robert Frosh et Nicholas Gallopoulos dans la revue Scientific American. Il s’agit, selon Robert Frosch de « l’ensemble des pratiques destinées à réduire la pollution industrielle»[4]. L’écologie industrielle a pour objectif de réduire l’impact de la pollution liée aux activités industrielles, de limiter les pertes de matières premières, et de valoriser les résidus. Et ce, en développant des synergies entre plusieurs entreprises. Les déchets rejetés par certaines entreprises sont utilisés comme ressources par les autres entreprises, d’où l’appellation « symbiose dans le processus industriel ».

L’exemple de la ville de Kalundborg au Danemark illustre bien ce concept : depuis une trentaine d’années, plusieurs entreprises de cette ville travaillent afin de procéder à des échanges de déchets qui servent de ressources aux autres entités. L’essentiel des déchets des uns est employé comme matière première par les autres (chaleur, vapeur, eau, gaz, engrais…). L’idée consiste à se baser sur le modèle des écosystèmes naturels qui ne génèrent aucun déchet et de créer un circuit fermé dans les échanges.

Evidemment, le succès d’une telle symbiose suppose des critères contraignants (complémentarité dans les activités des entreprises, proximité géographique, similitudes dans les moyens technologiques, la relation entre les dirigeants…). Malgré tout, si ce modèle a prouvé que s’il on changeait le fonctionnement en modifiant les règles du jeu, alors pourquoi d’autres entreprises ne suivent pas cet exemple ?

Marine Bulet.


[1] Citation tirée de l’ouvrage : Boiral, O. et Croteau G. (2001), « Développement durable et synergie des sous-produits : quelques exemples au Québec », Nouvelles tendances en management, vol.3, no 2, p.A1-A2.

[2]Article : « Waste Management construit une centrale » , paru le 16 septembre 2011 dans le journal La Tribune.

[3] FROSCH Robert A. et GALLOPOULOS. « Strategies for Manufacturing. »  Scientific American 261. (September 1989). pp.144-152

[4] Citation provenant du site : http://developpementdurable.revues.org/4121