Les enjeux du design et de la conception des objets qui nous entourent sont parfois contraires aux principes d’un développement soutenable. L’utilisation des objets est, depuis l’instauration de l’obsolescence programmée, devenue très éphémère. Cette stratégie a été imaginée dans les années 20 pour réduire la durée de vie des produits et augmenter la consommation. Peu à peu, les ingénieurs ont été contraints de créer des produits qui s’usent plus vite pour accroître la demande des consommateurs.
Ne vous est-il jamais arrivé de devoir racheter un grille pain au bout de quelques mois seulement, le vôtre étant déjà hors d’usage ? C’est encore une spécificité de notre société de consommation et de ses excès. Les générations précédentes, quant à elles, ont beaucoup moins vécu ce phénomène.
Au nom de la rentabilité à tout prix, la qualité est quelquefois douteuse, sans parler de l’impact généré par de tels procédés non seulement sur l’environnement mais également sur l’homme et les systèmes de fonctionnement dans les entreprises (pression, rendement…).
Ce qui caractérise nos sociétés est que d’un côté le superflu des uns est excessif alors que d’un autre côté l’essentiel des autres n’est pas satisfait (N. Hulot, Le Syndrome du Titanic, 2008). Par exemple dans les sociétés occidentales, on critique les produits bas de gamme qu’il faut remplacer sans arrêt, tandis qu’au contraire certains pays d’Afrique s’exaspèrent de ces déchets (informatiques, électroménagers, électroniques…) qui arrivent par conteneurs entiers.
Le design des objets et des constructions en général devrait être réalisé au service d’une société plus durable. En effet, quel est l’intérêt d’inventer des choses qui sont vouées à être obsolètes très rapidement? Est-ce donc le sort de la réflexion et de la créativité? Si l’innovation consiste à changer pour changer et à créer des choses éphémères pour qu’elles soient démodées ou obsolètes le ‘lendemain’, dans le but unique d’assurer à l’entreprise sa rentabilité, cela n’a pas de sens.
Il ne s’agit pas seulement d’un gâchis de matières ou d’une « trahison » envers le consommateur, c’est complètement irresponsable de la part des organisations que d’agir et de produire de la sorte. Cette attitude n’a aucun sens et devrait être condamnée, même interdite. Il est crucial d’instaurer des principes raisonnables, responsables et respectueux. C’est ce qui manque aujourd’hui à nos sociétés hyper industrialisées et hyper consommatrices. Le design a une véritable responsabilité envers l’environnement. Sa prise en compte est fondamentale dans la conception en général. C’est-à-dire que ce que nous concevons doit être en cohérence, en respect et en harmonie avec la Nature.
L’obsolescence programmée est contraire au progrès, à l’innovation et à la durabilité. A quoi cela sert-il d’investir dans la R&D, de concevoir de nouveaux produits si c’est pour les jeter ? C’est, entre autres bien sûr, le cas du concepteur de mobilier et d’objets de décoration suédois IKEA[1]. Bien que cette organisation soit un succès, les produits qu’elle propose ne sont pas conçus pour durer. IKEA n’est d’ailleurs pas spécialement connu pour la qualité de ses produits mais plutôt pour le fait que ce sont des produits pratiques, pas chers et plutôt esthétiques, répondant à la demande d’une population urbaine vivant en majorité dans des appartements.
A travers tout ceci, on a surtout le sentiment d’être en quelque sorte manipulé, conditionné et réduit à ‘quelque chose’ qui consomme pour le profit de quelques entreprises et de leurs dirigeants. Il est temps que les organisations et leurs gestionnaires fassent preuve de moins d’égoïsme envers la société et l’environnement.
Je trouve frustrant de vivre dans une société qui procrastine à agir concrètement pour un réel changement quant à ses pratiques de consommation. En fait, nous créons nous-mêmes nos propres problèmes. Cela montre que globalement, tous les beaux discours sur le développement durable de beaucoup de grandes entreprises aujourd’hui, sont en fait vains et sans fondement. De plus en plus, je réalise que cette attitude reflète un certain mépris de la société et du bien commun. L’obsolescence programmée, qui par définition s’oppose à la durabilité, existe dans tous les secteurs et concerne toutes sortes de bien. Cependant, nous n’avons plus le choix que de nous tourner vers un modèle alternatif. Nos ressources étant limitées, il est impossible de continuer ainsi. Il va falloir très vite que les organisations gouvernementales et commerciales l’intègrent.
Marine Bulet.